L'inauguration

En 1862, Nancy avait été choisie pour l'exposition et les réunions du Concours régional de l'est de la France. On ne pouvait saisir une plus magnifique occasion pour l'inauguration du Musée lorrain. Dans la séance du 20 mai, la salle des Cerfs, trop petite malgré ses vastes proportions, recevait une foule considérable, et beaucoup d'invités durent se borner à circuler dans les galeries inférieures. Les murs étaient complétement garnis de tableaux; la tente de Charles-le-Téméraire en décorait la majeure partie, occupant enfin sa place naturelle dans ces lieux qu'elle ornait autrefois pour les grandes solennités.

C'est alors que M. Henri Lepage président du Comité répondant à une éloquente improvisation du préfet de la Meurthe, présenta, dans un discours chaleureusement applaudi, l'historique de la restauration du palais. Après avoir payé un juste tribut de reconnaissance à tous ceux dont le concours et les offrandes ont permis de fonder l’œuvre et de la développer, l'orateur, comme au soir d'une bataille le soldat victorieux, cède à un légitime sentiment d'orgueil et de joie; s'il n'y a pas eu de sang versé, il a été livré un combat qui a duré des années entières; s'il n'y a pas eu de périls à vaincre, il y a eu de longues et pénibles luttes à soutenir, et à défaut du courage qui fait braver la mort, il a fallu déployer cette patience que rien ne lasse, cette persévérance opiniâtre qui triomphe de tous les obstacles.

Avec quelle verve et quel bonheur d'expression M. Lepage aime à raconter les phases de la patriotique entreprise et le dévouement des collègues qui l'ont secondé ! Comme il sait avec délicatesse louer le maréchal Canrobert dont l'intervention avait été si puissante auprès du Gouvernement, pour imprimer aux travaux une efficace impulsion. En rappelant que la Cour impériale avait récemment fait au musée la remise de la tente de Charles-le-Téméraire, il est heureux de lui renouveler les remerciements du Comité pour cette délibération par laquelle la Cour a consenti à se dessaisir du précieux dépôt : « Intelligente aux jours d'une conservation indispensable, généreuse à l'heure où l'abandon devenait opportun, la Cour, dit-il, a su comprendre les nécessités de deux époques différentes ; elle a mérité par là une double gloire ».

M. de Dumast, secrétaire perpétuel de la Société, couronna la partie littéraire de la séance par un récit poétique des particularités de la galerie inaugurée. Écrit dans ce style entraînant propre à notre honorable doyen ce morceau plus d'une fois provoqua de vifs applaudissements, surtout quand il rappela la généreuse hospitalité de la mort donnée par René II au vaincu de Nancy.

Cette solennité devait faire époque dans les annales de l'œuvre lorraine. Dès lors, notre ville était dotée d'un monument de plus, digne de piquer la curiosité et l'intérêt des visiteurs étrangers, monument dont elle pourrait bientôt s'enorgueillir dans plus d'une occasion.

L'empereur d'Autriche, se rendant à l'Exposition universelle de 1867, s'arrêta à Nancy le 22 octobre et visita ce palais qu'habitèrent ses ancêtres, et une inscription spéciale, destinée à perpétuer ce souvenir, constatait en même temps, comme le dit excellemment le président du Comité en recevant François-Joseph et sa suite, « que les descendants des Lorrains, dévoués de cœur à leur nouvelle patrie, ont conservé, pour la mémoire de leurs princes, le plus respectueux attachement. »