La reconstruction

Personne ne reste sourd à cet appel. Le premier, M. de Montesquiou, l'honorable préfet de Meurthe-et-Moselle, en face du coup terrible qui frappe une institution justement populaire, « revendique son poste comme président d'honneur du Comité, et il provoque, dans son hôtel même, une réunion d'urgence pour aviser et chercher les moyens de réparer, s'il est possible, les pertes qui nous sont infligées »

Le conseil municipal, en dépit des charges énormes qui grèvent le budget de la ville, vote en faveur du musée une nouvelle allocation de 1,000 fr. Des souscriptions s'ouvrent, et chacun tient à cœur d'apporter sa pierre à la réédification d'un monument vraiment national. Le gouvernement, malgré des difficultés financières sans précédent, surmontées depuis, on sait avec quel succès, accorde des crédits pour la reconstruction. Enfin, le souverain de nations amies de la France, S. M. l'Empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, envoya une somme de 100,000 fr. qui fut noblement versée en or dans la caisse de la Société archéologique.

Avec de tels auxiliaires, l'œuvre fut bientôt remise en bonne voie. On comprit qu'il fallait encore beaucoup faire pour lui venir en aide, et que Nancy devait conserver sinon tout ce qui restait de l'ancien palais ducal, du moins tout ce qui était nécessaire pour reconstituer un musée digne du passé de la Lorraine. Du reste, si le désastre avait été immense, si certaines pertes sont irréparables, heureusement tout n'avait pas été consumé par les flammes. On avait pu sauver les belles tapisseries de la tente de Charles-le-Téméraire, la cheminée monumentale de Joinville, les statues d'un sire de Beauvau et de sa femme par Ligier-Richier, à peu près la moitié des tableaux, beaucoup de menus objets précieux, toutes les inscriptions et tous les monuments de pierre, bronze, etc., qui remplissaient le rez-de-chaussée. Quant à la bibliothèque lorraine, elle avait été entièrement détruite, mais l'honorable abbé Marchal abandonna, moyennant des conditions avantageuses pour le Comité, la collection beaucoup plus riche à la composition de laquelle il avait consacré sa vie et ses épargnes.

M. de Montesquiou offrit une riche cheminée de la renaissance, découverte à Saint-Nicolas et destinée à remplacer celle de Pulligny qui avait été détruite. M. Frédéric Sellières adressa au musée six tableaux de grand prix, provenant de l'ancien château de Senones.

Au nombre des généreuses offrandes qui servirent à atténuer nos pertes, il faut signaler après les armures de M. de Rutant, le précieux manuscrit et les miniatures du poème de la Nancéide de Pierre de Blaru, chef d'œuvre dont M. le baron de Landres, malgré des souvenirs de famille, consentit à se séparer, pour en faire un des plus rares joyaux du musée.

Enfin, le Comité obtint un meuble important réclamé depuis plusieurs années. C'était le lit du duc Antoine, œuvre d'art, souvenir historique dont la légende avait été popularisée dans le brillant Tableau de Nancy.

Au mois de juillet 1875 les travaux de réfection, dirigés par M. Boeswiliwald, avec le concours de M. Cuny, touchèrent enfin à leur terme impatiemment inattendu. Dans la galerie des Cerfs, ornée comme autrefois, le congrès des Américanistes put recevoir une mémorable hospitalité, et inaugurer à Nancy ses sessions internationales.

Le secret de cette renaissance de notre monument, de ce musée créé deux fois, c'est que la Société d'archéologie ne s'était pas bornée à parler au nom de la science, c'est qu'au lieu d’être restée purement académique, elle s'est adressée à l'opinion, et a été écoutée et suivie par elle. Mettant la science au service du bien publie, elle a compris et fait comprendre que se vouer a l'archéologie nationale est une des manières d'honorer son pays et de lui prouver son amour. Telle est la cause de son influence ; voilà pourquoi, comme les autres sociétés départementales, elle a pris place parmi les institutions les plus vivantes de notre temps !